Newsletter Du 20 Au 24 Février 2023 | N° 22 – White Collar Crime, Anti-Corruption & Fraud

Newsletter Du 20 Au 24 Février 2023 | N° 22 – White Collar Crime, Anti-Corruption & Fraud


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Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise
à offrir, de manière hebdomadaire, un tour
d’horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal
fédéral dans les principaux domaines
d’activité de l’Etude, soit le droit pénal
économique et le recouvrement d’actifs (asset
recovery
).

Sans prétendre à l’exhaustivité, seront
reproduits ci-après les considérants consacrant le
raisonnement juridique principal développé par notre
Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de
procédure pénale, droit pénal
économique, droit international privé, droit de la
poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l’entraide
internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 6B_1035/2022 du 12 janvier 2023 |
Ordonnance de non-entrée en matière – demande
de récusation –droit d’être entendu de la
partie plaignante

  • Le Tribunal fédéral a rappelé sa
    jurisprudence selon laquelle la partie plaignante a un droit de se
    plaindre du rejet d’une demande de récusation,
    même si elle ne dispose pas de la qualité pour
    recourir sur le fond (consid. 3.5.1).

  • In casu, l’instance précédente avait retenu
    qu’il n’existait aucun indice rendant le procureur suspect
    de prévention à l’égard du Recourant. Elle
    avait relevé que les termes « ne manque pas
    d’audace » et « frise la
    témérité », n’étaient certes
    pas des plus heureux, mais demeuraient acceptables dans le cadre
    d’une ordonnance de non-entrée en matière,
    surtout lorsque la plainte pénale était
    dénuée de tout fondement et objectivement difficile
    à défendre. Pour ce qui était des termes
    « une prétention qui tutoie le grotesque », la
    cour cantonale avait estimé qu’ils ne permettaient pas
    non plus de déduire un motif de récusation du
    procureur, même s’ils pouvaient être
    qualifiés d’inadéquats et superflus (consid.
    3.5.3).

  • Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal
    fédéral a suivi l’avis de l’instance
    précédente et a rejeté le recours (consid.
    4).

TF 1B_28/2023 du 14 février 2023 |
Illicéité d’un refus de visite en
détention (art. 235 CPP)

  • Le Recourant se trouve en détention provisoire depuis le
    31 mai 2022, dans le cadre d’une procédure pénale
    dirigée contre lui notamment pour tentative de brigandage
    aggravé commise de concert avec B. et une autre personne. Le
    Recourant est aussi prévenu d’infraction aux art. 19 al.
    1 let. c et 19a LStup pour avoir détenu à son
    domicile et dans sa voiture différents stupéfiants et
    en avoir régulièrement consommés. Par
    ordonnance du 3 juin 2022, le Tribunal des mesures de contrainte du
    canton de Genève (« TMC ») a ordonné la
    mise en détention provisoire du Recourant, en raison des
    risques de fuite, de collusion et de réitération. La
    détention a par la suite été
    régulièrement prolongée. Le 2 juin 2022, le
    Ministère public du canton de Genève a ordonné
    la mise à l’isolement du Recourant et de B. Le Recourant
    a sollicité la levée de cet isolement et
    l’autorisation de pouvoir recevoir des visites, cas
    échéant surveillées, ce qui lui a
    été refusé au motif que le risque de collusion
    était très important compte tenu (i) de l’absence
    d’identification du troisième auteur du brigandage et
    (ii) de l’absence d’identification des trafiquants de la
    drogue trouvée chez lui. Ce refus a été
    confirmé par la Chambre pénale de recours de la Cour
    de justice du canton de Genève (« Cour de justice
    »).

  • Agissant par-devant le Tribunal fédéral, le
    Recourant a demandé que les visites par les membres de sa
    famille, soit sa mère, son père, et sa
    grand-mère maternelle, soient autorisées. Il a
    soutenu que l’interdiction de visite violait l’art. 235 CPP
    ainsi que son droit au respect de la vie privée et familiale
    (art. 13 Cst. et 8 CEDH).

  • Selon l’art. 235 al. 1 CPP, la liberté des
    prévenus en détention ne peut être restreinte
    que dans la mesure requise par le but de la détention et par
    le respect de l’ordre et de la sécurité dans
    l’établissement. Tout contact entre le prévenu en
    détention et des tiers est soumis à
    l’autorisation de la direction de la procédure. Les
    visites sont surveillées si nécessaire (al. 2)
    (consid. 2.3).

  • Dans le canton de Genève, l’art. 37 al. 1 du
    règlement sur le régime intérieur de la prison
    et le statut des personnes incarcérées (RRIP)
    prévoit que les détenus ont droit à un parloir
    une fois par semaine; le nombre de visiteurs est limité
    à deux (consid. 2.3).

  • In casu, le Recourant a soutenu que le risque de collusion ne
    s’étendait pas à sa famille proche (consid.
    2.4).

  • Le Tribunal fédéral a suivi l’approche du
    Recourant. Il n’avait en effet pas été
    établi que la mère, le père et la
    grand-mère connaissaient la personne recherchée
    (consid. 2.5).

  • Par ailleurs, le Tribunal fédéral a relevé
    que la Cour de justice n’avait pas non plus expliqué la
    manière dont l’enquête aurait pu être
    entravée du fait de ces visites : le Recourant avait admis
    l’essentiel des faits et le seul silence qu’il opposait aux
    autorités de poursuite pénale était celui qui
    concernait l’identité de toute personne l’ayant
    engagé (consid. 2.5).

  • Aussi, notre Haute Cour a souligné qu’il
    était nécessaire de prendre en compte la durée
    de la détention. Au moment où la cour cantonale avait
    rendu son arrêt, le Recourant se trouvait en détention
    depuis un peu moins de sept mois. Dans ces circonstances
    particulières, l’interdiction des visites litigieuses
    depuis presque sept mois au moment de l’arrêt
    attaqué n’était plus conforme au principe de la
    proportionnalité, ce d’autant moins que le
    règlement genevois prévoyait une visite par semaine
    (cf. art. 37 al. 1 RRIP) (consid. 2.5).

  • Partant, le Tribunal fédéral a conclu que la
    restriction du droit fondamental au respect de la vie familiale du
    Recourant était disproportionnée. Le droit du
    Recourant à un contact avec ses parents et sa
    grand-mère âgée (avec laquelle il a vécu
    pendant de nombreuses années) l’emportait face au risque
    de collusion tel qu’il ressortait du dossier. Des mesures de
    surveillances lors des visites étaient suffisantes pour
    amoindrir ce risque (consid. 2.5).

  • Le recours a donc été admis, l’arrêt
    attaqué annulé et les visites des parents et de la
    grand-mère maternelle du Recourant autorisées et
    soumises à surveillance, conformément aux
    règles applicables à l’établissement
    pénitentiaire (consid. 3).

TF 1C_104/20221 du 20 décembre
2022 | Interprétation de la notion de fonctionnaire (art. 7
al. 2 let. b CPP)

  • Les Recourants, requérants d’asile, ont
    déposé plainte auprès du Ministère
    public du canton de Zurich contre cinq collaborateurs des services
    sociaux et de la société ORS Service SA
    (Intimés) pour avoir mis en danger leur santé en ne
    respectant pas les recommandations sanitaires liées à
    la pandémie de Covid-19. Les Intimées 1 et 2
    étaient des collaboratrices des services sociaux cantonaux
    et les Intimés 3 à 5 étaient des
    employés de la société ORS Service SA.

  • Conformément aux articles 7 al. 2 let. b CPP et
    §148 de la loi zurichoise sur l’organisation des tribunaux
    et des autorités en procédure civile et pénale
    du 10 mai 2010, le Ministère public a requis une
    autorisation de poursuite de l’Obergericht zurichois pour ces
    cinq personnes. Cette autorisation a été
    refusée. Les Recourants ont saisi le Tribunal
    fédéral d’un recours en matière de droit
    public contre cette décision.

  • La question centrale de cet arrêt était de
    définir le cercle de personnes concernées par
    l’autorisation de poursuivre de l’art. 7 al. 2 let. b CPP
    afin de savoir si l’Obergericht du canton de Zurich avait bel
    et bien le droit d’entrer en matière sur cette
    autorisation pour les cinq Intimés. La particularité
    du cas d’espèce réside dans le fait que l’ORS
    Service AG, chargée de la gestion des centres de retour dans
    lesquels vivaient les Recourants, est une entreprise privée
    assumant une tâche publique (consid. 3.2 et 3.3).

  • Le Tribunal fédéral a tout d’abord
    procédé à une interprétation
    systématique de l’art. 7 al. 2 let. b CPP. Notre Haute
    Cour a comparé la notion de fonctionnaire de l’art. 110
    al. 3 CP (article auquel renvoie la disposition de droit cantonal)
    et celle exposée aux articles 285 ch. 1 al. 2 et 286 al. 2
    CP. Ces deux derniers articles soumettent expressément aux
    dispositions pénales correspondantes, outre les
    fonctionnaires, les employés des entreprises de transport de
    personnes. Cela ne serait pas nécessaire si cela
    découlait déjà de la notion de fonctionnaire
    au sens de l’art. 110 al. 3 CP. Dès lors, le Tribunal
    fédéral en a conclu que l’applicabilité de
    la notion de fonctionnaire en droit pénal
    n’entraînait pas nécessairement l’application
    de la nécessité de requérir une autorisation
    selon l’art. 7 al. 2 let. b CPP. Le libellé de ces deux
    dispositions est d’ailleurs différent. Il convenait
    ainsi de distinguer la punissabilité en tant que telle et
    les modalités de la poursuite pénale, qui doivent
    être décidées de manière autonome
    (consid. 3.4.3).

  • En effectuant ensuite une interprétation
    téléologique, notre Haute Cour a rappelé
    l’objectif visé par l’art. 7 al. 2 let. b CPP qui
    est de protéger les membres des autorités et les
    fonctionnaires contre des poursuites pénales malveillantes
    et d’assurer ainsi le bon fonctionnement des organes de
    l’Etat. Toutefois, le statut de fonctionnaire a
    considérablement évolué dans le temps,
    notamment en raison de l’augmentation de l’exécution
    de tâches étatiques confiées à des
    personnes privées. Selon le Tribunal fédéral,
    la réserve d’autorisation de l’art. 7 al. 2 let. b
    CPP ne peut avoir pour but de restreindre la poursuite
    pénale dans tous ces cas de figure. De surcroît, une
    grande partie de la doctrine remet en question
    l’actualité de cette disposition et demande qu’elle
    soit interprétée de manière restrictive,
    opinion que notre Haute Cour partage (consid. 3.4.4).

  • Le Tribunal fédéral a conclu que les
    Intimées 1 et 2 en tant que collaboratrices des services
    sociaux cantonaux entraient sans nul doute dans le champ
    d’application de l’art. 7 al. 2 let. b CPP. En revanche,
    les Intimés 3 à 5 étant des employés de
    droit civil du prestataire de services privé ORS Service SA.
    Ils ne présentaient aucune circonstance extraordinaire
    justifiant l’application de cette norme. Par conséquent,
    l’Obergericht n’aurait pas dû entrer en
    matière sur la demande d’autorisation à
    l’égard de ces trois personnes (consid. 3.5 et
    4.1).

  • Partant, le Tribunal fédéral a admis
    partiellement le recours dans le sens où une autorisation de
    poursuite des Intimés 3 à 5 n’était pas
    nécessaire.

TF 1B_34/2023 du 13 février 2023 |
Détention pour motifs de sûreté en cas de
risque de fuite (art. 221 al. 1 let. a CPP)

  • Conformément à l’art. 221 al. 1 let. a CPP,
    la détention provisoire ou pour des motifs de
    sûreté peut être ordonnée s’il y a
    sérieusement lieu de craindre que le prévenu se
    soustraie à la procédure pénale ou à la
    sanction prévisible en prenant la fuite.

  • Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s’analyser
    en fonction d’un ensemble de critères, tels que le
    caractère de l’intéressé, sa
    moralité, ses ressources, ses liens avec l’Etat qui le
    poursuit ainsi que ses contacts à l’étranger, qui
    font apparaître le risque de fuite non seulement possible,
    mais également probable. Le fait que le risque de fuite
    puisse se réaliser dans un pays qui pourrait donner suite
    à une requête d’extradition de la Suisse n’est
    pas déterminant pour nier ce risque. La gravité de
    l’infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la
    prolongation de la détention, même si elle permet
    souvent de présumer un danger de fuite en raison de
    l’importance de la peine dont le prévenu est
    menacé. Si cela ne dispense pas de tenir compte de
    l’ensemble des circonstances pertinentes, la jurisprudence
    admet que lorsque le prévenu a été
    condamné en première instance à une peine
    importante, le risque d’un long séjour en prison
    apparaît plus concret que durant l’instruction (consid.
    3.1).

  • In casu, le Recourant n’avait aucun lien particulier avec
    la Suisse, avait réitéré sa volonté de
    quitter le plus rapidement possible le territoire
    helvétique, risquait une peine privative de liberté
    de neuf mois et n’avait aucune perspective en Suisse (consid.
    3.2).

  • Pour ces raisons, le Tribunal fédéral a conclu
    qu’il existait un risque concret de fuite, justifiant ainsi la
    détention pour des motifs de sûreté. Le recours
    a donc été rejeté.

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 6B_101/20222 du 30 janvier 2023
| Abus d’autorité (art. 312 CP) – principe de
l’accusation (art. 350 CPP)

  • Le Recourant a invoqué une violation du principe de
    l’accusation (consid. 1).

  • Il a fait valoir que l’infraction d’abus
    d’autorité au sens de l’art. 312 CP était un
    délit d’intention selon lequel il était
    nécessaire d’avoir le dessein de se procurer ou de
    procurer à un tiers un avantage ou de causer à autrui
    un préjudice illicite. Or, l’acte d’accusation
    à l’encontre du Recourant ne décrivait pas quels
    avantages illicites ce dernier avait le dessein de se procurer, en
    sa qualité de policier, lorsqu’il avait utilisé
    un spray au poivre à l’intérieur d’un dancing
    contre le gérant. Il y était simplement
    indiqué que les policiers savaient qu’ils causaient un
    préjudice à l’Intimé par leur action. En
    outre, il ne ressortirait pas de l’acte d’accusation quels
    comportements auraient conduit à quelles blessures, et
    encore moins quelle intention le Recourant aurait poursuivie en
    utilisant un spray au poivre. En déclarant malgré
    tout le Recourant coupable d’abus d’autorité,
    l’instance inférieure aurait ainsi fondé le
    verdict de culpabilité sur un élément
    subjectif de l’infraction – précisément
    l’intention de causer un avantage ou un préjudice
    illicite – qui ne ressortirait pas de l’acte
    d’accusation. Les explications de l’instance
    précédente selon lesquelles le Recourant aurait
    dû s’attendre que l’utilisation d’un spray au
    poivre provoque des douleurs, effraie et humilie
    l’Intimé, ne trouvaient aucun appui dans l’acte
    d’accusation. Le Recourant aurait donc été
    victime d’un grave manque d’information : lui et son
    Conseil ne pouvaient guère savoir à quoi se
    référait son intention de nuire. Une défense
    adéquate aurait ainsi été rendue impossible
    (consid. 1.1).

  • Le Tribunal fédéral a commencé par
    rappeler que selon le principe de l’accusation, l’acte
    d’accusation détermine l’objet de la
    procédure judiciaire (fonction de délimitation).
    L’acte d’accusation doit décrire les infractions
    reprochées à la personne accusée dans son
    état de fait de manière suffisamment précise
    pour que les reproches soient suffisamment
    concrétisés d’un point de vue objectif et
    subjectif. En même temps, le principe de l’accusation
    vise à protéger les droits de la défense du
    prévenu et garantit le droit d’être entendu. Tant
    que les faits reprochés à la personne accusée
    sont clairs, même une accusation erronée et
    imprécise ne peut conduire à une absence de verdict
    de culpabilité. La motivation détaillée de
    l’accusation est limitée ; il appartient au tribunal
    d’établir les faits de manière contraignante.
    Celui-ci est lié par les faits décrits dans
    l’acte d’accusation, mais pas par l’appréciation
    juridique qui y est faite, conformément à l’art.
    350 al. 1 CPP (consid. 1.2).

  • Ensuite, notre Haute Cour a précisé que selon
    l’art. 312 CP, l’abus d’autorité est
    l’utilisation du pouvoir de l’État à
    d’autres fins. L’art. 312 CP protège d’une part
    l’intérêt de l’Etat à ce que ses
    fonctionnaires soient fiables et fassent preuve de conscience
    professionnelle dans l’exercice du pouvoir qui leur est
    confié, et d’autre part l’intérêt des
    citoyens à ne pas être exposés à un
    exercice incontrôlé et arbitraire du pouvoir
    étatique. Ce n’est pas seulement la contrainte excessive
    au sens large – poursuivant un but officiel – qui
    constitue objectivement un usage détourné du pouvoir
    étatique, mais également la contrainte inutile et
    dépourvue d’un tel but. En d’autres termes, il
    suffit que le fonctionnaire poursuive des objectifs
    légitimes, mais fasse un usage disproportionné de la
    force pour les atteindre. Il y a donc abus d’autorité
    lorsque l’utilisation de l’instrument de pouvoir
    était certes légitime, mais que le degré de
    contrainte autorisé a été
    dépassé (consid. 1.3.1).

  • Selon le Tribunal fédéral,
    l’élément subjectif de l’infraction
    réprimée par l’art. 312 CP exige un comportement
    intentionnel – le dol éventuel étant suffisant
    – et un dessein particulier qui peut se manifester sous deux
    formes alternatives, à savoir l’intention de se procurer
    ou de procurer à un tiers un avantage illicite ou
    l’intention de causer un préjudice à autrui. Un
    tel préjudice peut, par exemple, consister en une vexation
    ou une humiliation inutile ou en une autre déstabilisation
    psychique. Selon la jurisprudence, il faut déjà
    admettre qu’il existe un préjudice pour autrui
    dès que l’auteur utilise des moyens excessifs,
    même s’il poursuit un but légitime. En
    conséquence, le motif pour lequel l’auteur agit
    n’est pas pertinent pour l’intention constitutive de
    l’infraction, mais doit être pris en compte (seulement)
    lors de l’évaluation de la faute (consid. 1.3.1).

  • La question de savoir si le préjudice voulu par
    l’auteur peut également résider dans l’acte
    de contrainte lui-même fait l’objet d’une
    réponse unanimement positive de la part de la doctrine
    actuelle. Le Tribunal fédéral a donc conclu qu’il
    convenait de s’en tenir à cette opinion, étant
    entendu que l’intention de nuire ne saurait dépendre du
    but poursuivi par l’auteur (consid. 1.3.2).

  • Le libellé de l’art. 312 CP couvre donc
    déjà les inconvénients causés à
    l’individu par la contrainte exercée. Le fait que
    l’intention requise n’ait en soi, dans certaines
    circonstances, plus de signification indépendante dans les
    cas de mauvais traitements physiques est sans importance.
    Indépendamment du fait qu’il poursuive un but
    légitime, celui qui use sciemment et volontairement
    d’une contrainte officielle excessive s’accommode pour le
    moins d’un préjudice pour la personne concernée
    qui n’est plus couvert par le devoir de fonction (consid.
    1.3.3).

  • In casu, l’instance précédente avait reconnu
    que la description des éléments subjectifs de
    l’infraction dans l’acte d’accusation était
    problématique et admettait que l’acte d’accusation
    ne s’exprimait « que brièvement » sur les
    éléments subjectifs ; des explications plus
    détaillées auraient été les bienvenues.
    Il fallait toutefois partir du principe qu’il n’y avait
    aucun doute pour le Recourant quant au comportement qui lui
    était imputé. Partant, l’acte d’accusation
    décrivait de manière juridiquement suffisante les
    éléments subjectifs nécessaires de
    l’infraction. Partant, l’instance inférieure a admis
    que le Recourant avait « sciemment » aspergé
    l’Intimé de spray au poivre à
    l’intérieur du dancing et devait s’attendre à
    ce que cela provoque des douleurs, effraie et humilie
    l’Intimé. Ce faisant, le Recourant avait au moins
    accepté d’abuser de son autorité et de causer un
    préjudice à l’Intimé (consid. 1.4).

  • En utilisant, à une courte distance, un spray au poivre
    contre l’Intimé et en l’atteignant dans la zone
    située entre la poitrine et le front alors qu’il n’y
    avait pas d’attaque directe de l’Intimé contre lui,
    ce qu’il savait, le Recourant a exercé une contrainte
    disproportionnée et a ainsi causé un préjudice
    injustifié à l’Intimé. Le fait que
    l’acte d’accusation ne mentionnait pas que le Recourant
    aurait dû s’attendre à ce que l’utilisation du
    spray au poivre effraie et humilie l’Intimé
    n’était pas pertinent. En conséquence, le
    Tribunal fédéral a déclaré que le
    principe de l’accusation n’avait pas été
    violé (consid. 1.5).

  • Partant, notre Haute Cour a rejeté le recours en
    concluant que le préjudice exigé du point de vue
    subjectif de l’art. 312 CP pouvait résider dans
    l’acte de contrainte lui-même (consid. 4).

TF 6B_702/2021 du 27 janvier 2023 | Vol par
métier et vol commis en qualité d’affilié
à une bande (art. 139 ch. 2 et ch. 3 al. 2 CP)

  • Le Recourante a été reconnue coupable de
    complicité de vol par métier et de vol en bande (art.
    139 ch. 2 et ch. 3 al. 2 CP).

  • Selon la jurisprudence, l’auteur agit à titre
    professionnel lorsqu’il ressort du temps et des moyens
    qu’il consacre à l’activité
    délictueuse, de la fréquence des actes individuels
    dans un laps de temps déterminé ainsi que des revenus
    visés et obtenus, qu’il exerce l’activité
    délictueuse à la manière d’une profession.
    L’élément essentiel pour admettre le
    caractère professionnel est que l’auteur, comme on doit
    le déduire de l’ensemble des circonstances, s’est
    organisé pour obtenir, par des actes délictueux, des
    revenus qui représentent une contribution notable aux frais
    de financement de son train de vie ; la dangerosité sociale
    requise est alors donnée (consid. 1.3.2).

  • In casu, la Recourante a été prise en compte dans
    le choix de la marchandise à voler, mais cela ne suffit pas
    à considérer son aide comme professionnelle. En
    outre, l’instance précédente ne pouvait pas
    fonder ce motif aggravant sur la quasi-absence de revenus
    légaux de la Recourante (consid. 1.4.1).

  • Concernant le motif aggravant du vol en bande, celui-ci existe
    lorsque deux ou plusieurs auteurs se réunissent avec la
    volonté, exprimée expressément ou
    implicitement, de collaborer à l’avenir en vue de
    commettre plusieurs infractions indépendantes dont les
    détails ne sont pas encore définis. Le critère
    de qualification de la bande présuppose un certain
    début d’organisation, par exemple une répartition
    des rôles ou des tâches, et une intensité de la
    coopération telle que l’on peut parler d’une
    équipe stable, même si celle-ci n’est que de
    courte durée. C’est cette union qui renforce
    l’individu sur le plan psychique et physique, qui le rend donc
    particulièrement dangereux et qui permet de prévoir
    la commission d’autres infractions de ce type. D’un point
    de vue subjectif, l’auteur doit être conscient de
    l’association et de l’objectif de la bande. Il est ainsi
    impératif que l’auteur soit membre de celle-ci. Si le
    complice n’est pas un membre du groupe, il doit être
    déclaré coupable de (multiples) complicité de
    vol au sens de l’art. 139 ch. 1 CP (consid. 1.3.3 et
    1.4.2).

  • In casu, il ne ressortait pas des faits que la Recourante
    faisait partie de la bande. Elle a certes prêté
    assistance à celle-ci dans la commission de divers vols
    à l’étalage, mais cela ne suffisait pas à
    déduire qu’elle avait accompli ces tâches pour la
    bande et qu’elle avait ainsi contribué à sa
    cohésion et à la réalisation de son but
    (consid. 1.4.2).

  • Partant, le Tribunal fédéral a admis le recours
    et a estimé que la condamnation pour complicité de
    vol par métier et vol en bande était contraire au
    droit fédéral, la Recourante devant être
    déclarée coupable de complicité de vols
    multiples au sens de 139 ch. 1 CP.

III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

TF 1C_477/20223 du 30 janvier 2023
| Suspension des procédures d’entraide avec la
Russie

  • La Fédération de Russie a adressé à
    la Suisse une demande d’entraide judiciaire dans le cadre
    d’une instruction dirigée contre deux frères
    soupçonnés de détournements (USD 913 millions
    et USD 505 millions) au préjudice d’une banque. Les
    autorités russes ont par la suite demandé le blocage
    du compte détenu par la société A., dont les
    fonds, supposés provenir des détournements
    précités, pourraient être confisqués et
    restitués au lésé. Elle a encore requis la
    documentation relative à d’autres relations bancaires
    ouvertes au nom de A. Le Ministère public du canton de
    Genève a ordonné la saisie conservatoire des avoirs
    détenus par A. auprès de E. AG. En avril 2021, le
    Ministère public a ordonné la transmission à
    l’autorité requérante de la documentation
    relative à cinq comptes détenus par A.

  • Toutefois, à la suite de l’intervention militaire
    intentée en février 2022 par la Russie à
    l’encontre de l’Ukraine, diverses mesures ont
    été prises en Suisse et au niveau international. La
    Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a
    invité les parties à se prononcer sur la question de
    l’octroi de l’entraide judiciaire à la Russie.
    L’Office fédéral de la justice (« OFJ
    ») a défendu la suspension de l’entraide avec
    l’État russe, impliquant que les dossiers
    d’exécution déjà constitués ne
    seraient pas transmis, mais que la saisie des avoirs serait
    maintenue. Le Ministère public genevois a plaidé que
    l’entraide devait être refusée et ainsi permettre
    la levée de toutes les mesures de contrainte
    ordonnées.

  • La Cour des plaintes a admis le recours de A. et a suivi la
    vision du Ministère public genevois en levant le
    séquestre ayant frappé les avoirs de la Recourante.
    L’OFJ a fait recours au Tribunal fédéral contre
    cette décision.

  • Sur le plan de la recevabilité, ce recours porte sur la
    question générale du sort à réserver
    aux demandes d’entraide judiciaire formées par la
    Fédération de Russie, et en particulier sur la
    question du maintien des séquestres effectués en
    exécution de ces demandes, dans le contexte actuel. Il
    s’agit donc d’une question de principe permettant le
    recours au Tribunal fédéral (art. 84 al. 1 LTF).

  • Le Tribunal fédéral a précisé que
    la Fédération de Russie était toujours partie
    contractante à la Convention européenne
    d’entraide judiciaire en matière pénale («
    CEEJ ») et à son Deuxième Protocole
    additionnel, ainsi qu’à la Convention européenne
    relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et
    à la confiscation des produits du crime (« CBl
    »). En l’absence de « violation substantielle
    » de la CEEJ à l’égard de la Suisse, il ne
    se justifiait pas de suspendre ou de mettre fin à ce
    traité sur la base de l’art. 60 par. 2 de la Convention
    de Vienne (consid. 2.3).

  • De surcroît, sur la base de la CEEJ et de la CBI, la
    Suisse est tenue d’accorder l’entraide de la manière
    la plus large et il est par ailleurs possible qu’une
    procédure soit ouverte en Suisse à propos de ces
    avoirs. Contrairement à ce que soutient
    l’Intimée, les soupçons d’infractions de
    blanchiment ne découlaient pas uniquement de la demande
    d’entraide russe : la procédure a pour origine une
    dénonciation du Bureau de communication en matière de
    blanchiment d’argent (MROS) ainsi qu’une procédure
    pénale pour blanchiment d’argent ouverte par le
    Ministère public du canton de Zurich (consid. 2.4).

  • Ainsi, le Tribunal fédéral s’est
    rallié à l’opinion de l’OFJ, concluant que la
    suspension de la procédure d’entraide et le maintien de
    la saisie étaient justifiés, dans la mesure où
    cette saisie avait été ordonnée à un
    moment où l’entraide judiciaire n’était pas
    manifestement inadmissible ou inopportune, les conditions de
    l’art. 18 al. 1 EIMP étaient réunie. Dès
    lors, la saisie doit, durant la suspension, être maintenue
    (consid. 2.5).

  • Par conséquent, malgré le fait que l’entraide
    ne peut pas être accordée, les mesures provisoires
    n’en sont pas pour autant touchées selon l’art. 28
    al. 6 EIMP (consid. 2.5).

  • Enfin, notre Haute Cour a ajouté qu’afin que la
    mesure de saisie demeure proportionnée, l’OFJ devra se
    renseigner de manière régulière sur
    l’évolution de la situation et en informer la Cour des
    plaintes afin que celle-ci puisse décider d’une
    éventuelle reprise de la procédure. Si la situation
    actuelle devait se prolonger sans perspective
    d’évolution, la levée de la saisie devra
    être prononcée, sous réserve toutefois d’un
    séquestre pénal qui pourrait être
    prononcé par les autorités de poursuite suisses. In
    casu, le séquestre dure depuis environ deux ans et demi, ce
    qui n’est pas disproportionné au regard de la pratique
    en matière d’entraide judiciaire ou dans des domaines
    voisins (consid. 2.6).

  • Partant, le recours a donc été admis.

Footnotes

1. Destiné à
publication

2. Destiné à
publication

3. Destiné à
publication

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