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Quelques propos introductifs
La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise
à offrir, de manière hebdomadaire, un tour
d’horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal
fédéral dans les principaux domaines
d’activité de l’Etude, soit le droit pénal
économique et le recouvrement d’actifs (asset
recovery).
Sans prétendre à l’exhaustivité, seront
reproduits ci-après les considérants consacrant le
raisonnement juridique principal développé par notre
Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de
procédure pénale, droit pénal
économique, droit international privé, droit de la
poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l’entraide
internationale.
I. PROCÉDURE PÉNALE
TF 6B_1035/2022 du 12 janvier 2023 |
Ordonnance de non-entrée en matière – demande
de récusation –droit d’être entendu de la
partie plaignante
- Le Tribunal fédéral a rappelé sa
jurisprudence selon laquelle la partie plaignante a un droit de se
plaindre du rejet d’une demande de récusation,
même si elle ne dispose pas de la qualité pour
recourir sur le fond (consid. 3.5.1). - In casu, l’instance précédente avait retenu
qu’il n’existait aucun indice rendant le procureur suspect
de prévention à l’égard du Recourant. Elle
avait relevé que les termes « ne manque pas
d’audace » et « frise la
témérité », n’étaient certes
pas des plus heureux, mais demeuraient acceptables dans le cadre
d’une ordonnance de non-entrée en matière,
surtout lorsque la plainte pénale était
dénuée de tout fondement et objectivement difficile
à défendre. Pour ce qui était des termes
« une prétention qui tutoie le grotesque », la
cour cantonale avait estimé qu’ils ne permettaient pas
non plus de déduire un motif de récusation du
procureur, même s’ils pouvaient être
qualifiés d’inadéquats et superflus (consid.
3.5.3). - Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal
fédéral a suivi l’avis de l’instance
précédente et a rejeté le recours (consid.
4).
TF 1B_28/2023 du 14 février 2023 |
Illicéité d’un refus de visite en
détention (art. 235 CPP)
- Le Recourant se trouve en détention provisoire depuis le
31 mai 2022, dans le cadre d’une procédure pénale
dirigée contre lui notamment pour tentative de brigandage
aggravé commise de concert avec B. et une autre personne. Le
Recourant est aussi prévenu d’infraction aux art. 19 al.
1 let. c et 19a LStup pour avoir détenu à son
domicile et dans sa voiture différents stupéfiants et
en avoir régulièrement consommés. Par
ordonnance du 3 juin 2022, le Tribunal des mesures de contrainte du
canton de Genève (« TMC ») a ordonné la
mise en détention provisoire du Recourant, en raison des
risques de fuite, de collusion et de réitération. La
détention a par la suite été
régulièrement prolongée. Le 2 juin 2022, le
Ministère public du canton de Genève a ordonné
la mise à l’isolement du Recourant et de B. Le Recourant
a sollicité la levée de cet isolement et
l’autorisation de pouvoir recevoir des visites, cas
échéant surveillées, ce qui lui a
été refusé au motif que le risque de collusion
était très important compte tenu (i) de l’absence
d’identification du troisième auteur du brigandage et
(ii) de l’absence d’identification des trafiquants de la
drogue trouvée chez lui. Ce refus a été
confirmé par la Chambre pénale de recours de la Cour
de justice du canton de Genève (« Cour de justice
»). - Agissant par-devant le Tribunal fédéral, le
Recourant a demandé que les visites par les membres de sa
famille, soit sa mère, son père, et sa
grand-mère maternelle, soient autorisées. Il a
soutenu que l’interdiction de visite violait l’art. 235 CPP
ainsi que son droit au respect de la vie privée et familiale
(art. 13 Cst. et 8 CEDH). - Selon l’art. 235 al. 1 CPP, la liberté des
prévenus en détention ne peut être restreinte
que dans la mesure requise par le but de la détention et par
le respect de l’ordre et de la sécurité dans
l’établissement. Tout contact entre le prévenu en
détention et des tiers est soumis à
l’autorisation de la direction de la procédure. Les
visites sont surveillées si nécessaire (al. 2)
(consid. 2.3). - Dans le canton de Genève, l’art. 37 al. 1 du
règlement sur le régime intérieur de la prison
et le statut des personnes incarcérées (RRIP)
prévoit que les détenus ont droit à un parloir
une fois par semaine; le nombre de visiteurs est limité
à deux (consid. 2.3). - In casu, le Recourant a soutenu que le risque de collusion ne
s’étendait pas à sa famille proche (consid.
2.4). - Le Tribunal fédéral a suivi l’approche du
Recourant. Il n’avait en effet pas été
établi que la mère, le père et la
grand-mère connaissaient la personne recherchée
(consid. 2.5). - Par ailleurs, le Tribunal fédéral a relevé
que la Cour de justice n’avait pas non plus expliqué la
manière dont l’enquête aurait pu être
entravée du fait de ces visites : le Recourant avait admis
l’essentiel des faits et le seul silence qu’il opposait aux
autorités de poursuite pénale était celui qui
concernait l’identité de toute personne l’ayant
engagé (consid. 2.5). - Aussi, notre Haute Cour a souligné qu’il
était nécessaire de prendre en compte la durée
de la détention. Au moment où la cour cantonale avait
rendu son arrêt, le Recourant se trouvait en détention
depuis un peu moins de sept mois. Dans ces circonstances
particulières, l’interdiction des visites litigieuses
depuis presque sept mois au moment de l’arrêt
attaqué n’était plus conforme au principe de la
proportionnalité, ce d’autant moins que le
règlement genevois prévoyait une visite par semaine
(cf. art. 37 al. 1 RRIP) (consid. 2.5). - Partant, le Tribunal fédéral a conclu que la
restriction du droit fondamental au respect de la vie familiale du
Recourant était disproportionnée. Le droit du
Recourant à un contact avec ses parents et sa
grand-mère âgée (avec laquelle il a vécu
pendant de nombreuses années) l’emportait face au risque
de collusion tel qu’il ressortait du dossier. Des mesures de
surveillances lors des visites étaient suffisantes pour
amoindrir ce risque (consid. 2.5). - Le recours a donc été admis, l’arrêt
attaqué annulé et les visites des parents et de la
grand-mère maternelle du Recourant autorisées et
soumises à surveillance, conformément aux
règles applicables à l’établissement
pénitentiaire (consid. 3).
TF 1C_104/20221 du 20 décembre
2022 | Interprétation de la notion de fonctionnaire (art. 7
al. 2 let. b CPP)
- Les Recourants, requérants d’asile, ont
déposé plainte auprès du Ministère
public du canton de Zurich contre cinq collaborateurs des services
sociaux et de la société ORS Service SA
(Intimés) pour avoir mis en danger leur santé en ne
respectant pas les recommandations sanitaires liées à
la pandémie de Covid-19. Les Intimées 1 et 2
étaient des collaboratrices des services sociaux cantonaux
et les Intimés 3 à 5 étaient des
employés de la société ORS Service SA. - Conformément aux articles 7 al. 2 let. b CPP et
§148 de la loi zurichoise sur l’organisation des tribunaux
et des autorités en procédure civile et pénale
du 10 mai 2010, le Ministère public a requis une
autorisation de poursuite de l’Obergericht zurichois pour ces
cinq personnes. Cette autorisation a été
refusée. Les Recourants ont saisi le Tribunal
fédéral d’un recours en matière de droit
public contre cette décision. - La question centrale de cet arrêt était de
définir le cercle de personnes concernées par
l’autorisation de poursuivre de l’art. 7 al. 2 let. b CPP
afin de savoir si l’Obergericht du canton de Zurich avait bel
et bien le droit d’entrer en matière sur cette
autorisation pour les cinq Intimés. La particularité
du cas d’espèce réside dans le fait que l’ORS
Service AG, chargée de la gestion des centres de retour dans
lesquels vivaient les Recourants, est une entreprise privée
assumant une tâche publique (consid. 3.2 et 3.3). - Le Tribunal fédéral a tout d’abord
procédé à une interprétation
systématique de l’art. 7 al. 2 let. b CPP. Notre Haute
Cour a comparé la notion de fonctionnaire de l’art. 110
al. 3 CP (article auquel renvoie la disposition de droit cantonal)
et celle exposée aux articles 285 ch. 1 al. 2 et 286 al. 2
CP. Ces deux derniers articles soumettent expressément aux
dispositions pénales correspondantes, outre les
fonctionnaires, les employés des entreprises de transport de
personnes. Cela ne serait pas nécessaire si cela
découlait déjà de la notion de fonctionnaire
au sens de l’art. 110 al. 3 CP. Dès lors, le Tribunal
fédéral en a conclu que l’applicabilité de
la notion de fonctionnaire en droit pénal
n’entraînait pas nécessairement l’application
de la nécessité de requérir une autorisation
selon l’art. 7 al. 2 let. b CPP. Le libellé de ces deux
dispositions est d’ailleurs différent. Il convenait
ainsi de distinguer la punissabilité en tant que telle et
les modalités de la poursuite pénale, qui doivent
être décidées de manière autonome
(consid. 3.4.3). - En effectuant ensuite une interprétation
téléologique, notre Haute Cour a rappelé
l’objectif visé par l’art. 7 al. 2 let. b CPP qui
est de protéger les membres des autorités et les
fonctionnaires contre des poursuites pénales malveillantes
et d’assurer ainsi le bon fonctionnement des organes de
l’Etat. Toutefois, le statut de fonctionnaire a
considérablement évolué dans le temps,
notamment en raison de l’augmentation de l’exécution
de tâches étatiques confiées à des
personnes privées. Selon le Tribunal fédéral,
la réserve d’autorisation de l’art. 7 al. 2 let. b
CPP ne peut avoir pour but de restreindre la poursuite
pénale dans tous ces cas de figure. De surcroît, une
grande partie de la doctrine remet en question
l’actualité de cette disposition et demande qu’elle
soit interprétée de manière restrictive,
opinion que notre Haute Cour partage (consid. 3.4.4). - Le Tribunal fédéral a conclu que les
Intimées 1 et 2 en tant que collaboratrices des services
sociaux cantonaux entraient sans nul doute dans le champ
d’application de l’art. 7 al. 2 let. b CPP. En revanche,
les Intimés 3 à 5 étant des employés de
droit civil du prestataire de services privé ORS Service SA.
Ils ne présentaient aucune circonstance extraordinaire
justifiant l’application de cette norme. Par conséquent,
l’Obergericht n’aurait pas dû entrer en
matière sur la demande d’autorisation à
l’égard de ces trois personnes (consid. 3.5 et
4.1). - Partant, le Tribunal fédéral a admis
partiellement le recours dans le sens où une autorisation de
poursuite des Intimés 3 à 5 n’était pas
nécessaire.
TF 1B_34/2023 du 13 février 2023 |
Détention pour motifs de sûreté en cas de
risque de fuite (art. 221 al. 1 let. a CPP)
- Conformément à l’art. 221 al. 1 let. a CPP,
la détention provisoire ou pour des motifs de
sûreté peut être ordonnée s’il y a
sérieusement lieu de craindre que le prévenu se
soustraie à la procédure pénale ou à la
sanction prévisible en prenant la fuite. - Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s’analyser
en fonction d’un ensemble de critères, tels que le
caractère de l’intéressé, sa
moralité, ses ressources, ses liens avec l’Etat qui le
poursuit ainsi que ses contacts à l’étranger, qui
font apparaître le risque de fuite non seulement possible,
mais également probable. Le fait que le risque de fuite
puisse se réaliser dans un pays qui pourrait donner suite
à une requête d’extradition de la Suisse n’est
pas déterminant pour nier ce risque. La gravité de
l’infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la
prolongation de la détention, même si elle permet
souvent de présumer un danger de fuite en raison de
l’importance de la peine dont le prévenu est
menacé. Si cela ne dispense pas de tenir compte de
l’ensemble des circonstances pertinentes, la jurisprudence
admet que lorsque le prévenu a été
condamné en première instance à une peine
importante, le risque d’un long séjour en prison
apparaît plus concret que durant l’instruction (consid.
3.1). - In casu, le Recourant n’avait aucun lien particulier avec
la Suisse, avait réitéré sa volonté de
quitter le plus rapidement possible le territoire
helvétique, risquait une peine privative de liberté
de neuf mois et n’avait aucune perspective en Suisse (consid.
3.2). - Pour ces raisons, le Tribunal fédéral a conclu
qu’il existait un risque concret de fuite, justifiant ainsi la
détention pour des motifs de sûreté. Le recours
a donc été rejeté.
II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE
TF 6B_101/20222 du 30 janvier 2023
| Abus d’autorité (art. 312 CP) – principe de
l’accusation (art. 350 CPP)
- Le Recourant a invoqué une violation du principe de
l’accusation (consid. 1). - Il a fait valoir que l’infraction d’abus
d’autorité au sens de l’art. 312 CP était un
délit d’intention selon lequel il était
nécessaire d’avoir le dessein de se procurer ou de
procurer à un tiers un avantage ou de causer à autrui
un préjudice illicite. Or, l’acte d’accusation
à l’encontre du Recourant ne décrivait pas quels
avantages illicites ce dernier avait le dessein de se procurer, en
sa qualité de policier, lorsqu’il avait utilisé
un spray au poivre à l’intérieur d’un dancing
contre le gérant. Il y était simplement
indiqué que les policiers savaient qu’ils causaient un
préjudice à l’Intimé par leur action. En
outre, il ne ressortirait pas de l’acte d’accusation quels
comportements auraient conduit à quelles blessures, et
encore moins quelle intention le Recourant aurait poursuivie en
utilisant un spray au poivre. En déclarant malgré
tout le Recourant coupable d’abus d’autorité,
l’instance inférieure aurait ainsi fondé le
verdict de culpabilité sur un élément
subjectif de l’infraction – précisément
l’intention de causer un avantage ou un préjudice
illicite – qui ne ressortirait pas de l’acte
d’accusation. Les explications de l’instance
précédente selon lesquelles le Recourant aurait
dû s’attendre que l’utilisation d’un spray au
poivre provoque des douleurs, effraie et humilie
l’Intimé, ne trouvaient aucun appui dans l’acte
d’accusation. Le Recourant aurait donc été
victime d’un grave manque d’information : lui et son
Conseil ne pouvaient guère savoir à quoi se
référait son intention de nuire. Une défense
adéquate aurait ainsi été rendue impossible
(consid. 1.1). - Le Tribunal fédéral a commencé par
rappeler que selon le principe de l’accusation, l’acte
d’accusation détermine l’objet de la
procédure judiciaire (fonction de délimitation).
L’acte d’accusation doit décrire les infractions
reprochées à la personne accusée dans son
état de fait de manière suffisamment précise
pour que les reproches soient suffisamment
concrétisés d’un point de vue objectif et
subjectif. En même temps, le principe de l’accusation
vise à protéger les droits de la défense du
prévenu et garantit le droit d’être entendu. Tant
que les faits reprochés à la personne accusée
sont clairs, même une accusation erronée et
imprécise ne peut conduire à une absence de verdict
de culpabilité. La motivation détaillée de
l’accusation est limitée ; il appartient au tribunal
d’établir les faits de manière contraignante.
Celui-ci est lié par les faits décrits dans
l’acte d’accusation, mais pas par l’appréciation
juridique qui y est faite, conformément à l’art.
350 al. 1 CPP (consid. 1.2). - Ensuite, notre Haute Cour a précisé que selon
l’art. 312 CP, l’abus d’autorité est
l’utilisation du pouvoir de l’État à
d’autres fins. L’art. 312 CP protège d’une part
l’intérêt de l’Etat à ce que ses
fonctionnaires soient fiables et fassent preuve de conscience
professionnelle dans l’exercice du pouvoir qui leur est
confié, et d’autre part l’intérêt des
citoyens à ne pas être exposés à un
exercice incontrôlé et arbitraire du pouvoir
étatique. Ce n’est pas seulement la contrainte excessive
au sens large – poursuivant un but officiel – qui
constitue objectivement un usage détourné du pouvoir
étatique, mais également la contrainte inutile et
dépourvue d’un tel but. En d’autres termes, il
suffit que le fonctionnaire poursuive des objectifs
légitimes, mais fasse un usage disproportionné de la
force pour les atteindre. Il y a donc abus d’autorité
lorsque l’utilisation de l’instrument de pouvoir
était certes légitime, mais que le degré de
contrainte autorisé a été
dépassé (consid. 1.3.1). - Selon le Tribunal fédéral,
l’élément subjectif de l’infraction
réprimée par l’art. 312 CP exige un comportement
intentionnel – le dol éventuel étant suffisant
– et un dessein particulier qui peut se manifester sous deux
formes alternatives, à savoir l’intention de se procurer
ou de procurer à un tiers un avantage illicite ou
l’intention de causer un préjudice à autrui. Un
tel préjudice peut, par exemple, consister en une vexation
ou une humiliation inutile ou en une autre déstabilisation
psychique. Selon la jurisprudence, il faut déjà
admettre qu’il existe un préjudice pour autrui
dès que l’auteur utilise des moyens excessifs,
même s’il poursuit un but légitime. En
conséquence, le motif pour lequel l’auteur agit
n’est pas pertinent pour l’intention constitutive de
l’infraction, mais doit être pris en compte (seulement)
lors de l’évaluation de la faute (consid. 1.3.1). - La question de savoir si le préjudice voulu par
l’auteur peut également résider dans l’acte
de contrainte lui-même fait l’objet d’une
réponse unanimement positive de la part de la doctrine
actuelle. Le Tribunal fédéral a donc conclu qu’il
convenait de s’en tenir à cette opinion, étant
entendu que l’intention de nuire ne saurait dépendre du
but poursuivi par l’auteur (consid. 1.3.2). - Le libellé de l’art. 312 CP couvre donc
déjà les inconvénients causés à
l’individu par la contrainte exercée. Le fait que
l’intention requise n’ait en soi, dans certaines
circonstances, plus de signification indépendante dans les
cas de mauvais traitements physiques est sans importance.
Indépendamment du fait qu’il poursuive un but
légitime, celui qui use sciemment et volontairement
d’une contrainte officielle excessive s’accommode pour le
moins d’un préjudice pour la personne concernée
qui n’est plus couvert par le devoir de fonction (consid.
1.3.3). - In casu, l’instance précédente avait reconnu
que la description des éléments subjectifs de
l’infraction dans l’acte d’accusation était
problématique et admettait que l’acte d’accusation
ne s’exprimait « que brièvement » sur les
éléments subjectifs ; des explications plus
détaillées auraient été les bienvenues.
Il fallait toutefois partir du principe qu’il n’y avait
aucun doute pour le Recourant quant au comportement qui lui
était imputé. Partant, l’acte d’accusation
décrivait de manière juridiquement suffisante les
éléments subjectifs nécessaires de
l’infraction. Partant, l’instance inférieure a admis
que le Recourant avait « sciemment » aspergé
l’Intimé de spray au poivre à
l’intérieur du dancing et devait s’attendre à
ce que cela provoque des douleurs, effraie et humilie
l’Intimé. Ce faisant, le Recourant avait au moins
accepté d’abuser de son autorité et de causer un
préjudice à l’Intimé (consid. 1.4). - En utilisant, à une courte distance, un spray au poivre
contre l’Intimé et en l’atteignant dans la zone
située entre la poitrine et le front alors qu’il n’y
avait pas d’attaque directe de l’Intimé contre lui,
ce qu’il savait, le Recourant a exercé une contrainte
disproportionnée et a ainsi causé un préjudice
injustifié à l’Intimé. Le fait que
l’acte d’accusation ne mentionnait pas que le Recourant
aurait dû s’attendre à ce que l’utilisation du
spray au poivre effraie et humilie l’Intimé
n’était pas pertinent. En conséquence, le
Tribunal fédéral a déclaré que le
principe de l’accusation n’avait pas été
violé (consid. 1.5). - Partant, notre Haute Cour a rejeté le recours en
concluant que le préjudice exigé du point de vue
subjectif de l’art. 312 CP pouvait résider dans
l’acte de contrainte lui-même (consid. 4).
TF 6B_702/2021 du 27 janvier 2023 | Vol par
métier et vol commis en qualité d’affilié
à une bande (art. 139 ch. 2 et ch. 3 al. 2 CP)
- Le Recourante a été reconnue coupable de
complicité de vol par métier et de vol en bande (art.
139 ch. 2 et ch. 3 al. 2 CP). - Selon la jurisprudence, l’auteur agit à titre
professionnel lorsqu’il ressort du temps et des moyens
qu’il consacre à l’activité
délictueuse, de la fréquence des actes individuels
dans un laps de temps déterminé ainsi que des revenus
visés et obtenus, qu’il exerce l’activité
délictueuse à la manière d’une profession.
L’élément essentiel pour admettre le
caractère professionnel est que l’auteur, comme on doit
le déduire de l’ensemble des circonstances, s’est
organisé pour obtenir, par des actes délictueux, des
revenus qui représentent une contribution notable aux frais
de financement de son train de vie ; la dangerosité sociale
requise est alors donnée (consid. 1.3.2). - In casu, la Recourante a été prise en compte dans
le choix de la marchandise à voler, mais cela ne suffit pas
à considérer son aide comme professionnelle. En
outre, l’instance précédente ne pouvait pas
fonder ce motif aggravant sur la quasi-absence de revenus
légaux de la Recourante (consid. 1.4.1). - Concernant le motif aggravant du vol en bande, celui-ci existe
lorsque deux ou plusieurs auteurs se réunissent avec la
volonté, exprimée expressément ou
implicitement, de collaborer à l’avenir en vue de
commettre plusieurs infractions indépendantes dont les
détails ne sont pas encore définis. Le critère
de qualification de la bande présuppose un certain
début d’organisation, par exemple une répartition
des rôles ou des tâches, et une intensité de la
coopération telle que l’on peut parler d’une
équipe stable, même si celle-ci n’est que de
courte durée. C’est cette union qui renforce
l’individu sur le plan psychique et physique, qui le rend donc
particulièrement dangereux et qui permet de prévoir
la commission d’autres infractions de ce type. D’un point
de vue subjectif, l’auteur doit être conscient de
l’association et de l’objectif de la bande. Il est ainsi
impératif que l’auteur soit membre de celle-ci. Si le
complice n’est pas un membre du groupe, il doit être
déclaré coupable de (multiples) complicité de
vol au sens de l’art. 139 ch. 1 CP (consid. 1.3.3 et
1.4.2). - In casu, il ne ressortait pas des faits que la Recourante
faisait partie de la bande. Elle a certes prêté
assistance à celle-ci dans la commission de divers vols
à l’étalage, mais cela ne suffisait pas à
déduire qu’elle avait accompli ces tâches pour la
bande et qu’elle avait ainsi contribué à sa
cohésion et à la réalisation de son but
(consid. 1.4.2). - Partant, le Tribunal fédéral a admis le recours
et a estimé que la condamnation pour complicité de
vol par métier et vol en bande était contraire au
droit fédéral, la Recourante devant être
déclarée coupable de complicité de vols
multiples au sens de 139 ch. 1 CP.
III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
–
IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE
–
V. ENTRAIDE INTERNATIONALE
TF 1C_477/20223 du 30 janvier 2023
| Suspension des procédures d’entraide avec la
Russie
- La Fédération de Russie a adressé à
la Suisse une demande d’entraide judiciaire dans le cadre
d’une instruction dirigée contre deux frères
soupçonnés de détournements (USD 913 millions
et USD 505 millions) au préjudice d’une banque. Les
autorités russes ont par la suite demandé le blocage
du compte détenu par la société A., dont les
fonds, supposés provenir des détournements
précités, pourraient être confisqués et
restitués au lésé. Elle a encore requis la
documentation relative à d’autres relations bancaires
ouvertes au nom de A. Le Ministère public du canton de
Genève a ordonné la saisie conservatoire des avoirs
détenus par A. auprès de E. AG. En avril 2021, le
Ministère public a ordonné la transmission à
l’autorité requérante de la documentation
relative à cinq comptes détenus par A. - Toutefois, à la suite de l’intervention militaire
intentée en février 2022 par la Russie à
l’encontre de l’Ukraine, diverses mesures ont
été prises en Suisse et au niveau international. La
Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a
invité les parties à se prononcer sur la question de
l’octroi de l’entraide judiciaire à la Russie.
L’Office fédéral de la justice (« OFJ
») a défendu la suspension de l’entraide avec
l’État russe, impliquant que les dossiers
d’exécution déjà constitués ne
seraient pas transmis, mais que la saisie des avoirs serait
maintenue. Le Ministère public genevois a plaidé que
l’entraide devait être refusée et ainsi permettre
la levée de toutes les mesures de contrainte
ordonnées. - La Cour des plaintes a admis le recours de A. et a suivi la
vision du Ministère public genevois en levant le
séquestre ayant frappé les avoirs de la Recourante.
L’OFJ a fait recours au Tribunal fédéral contre
cette décision. - Sur le plan de la recevabilité, ce recours porte sur la
question générale du sort à réserver
aux demandes d’entraide judiciaire formées par la
Fédération de Russie, et en particulier sur la
question du maintien des séquestres effectués en
exécution de ces demandes, dans le contexte actuel. Il
s’agit donc d’une question de principe permettant le
recours au Tribunal fédéral (art. 84 al. 1 LTF). - Le Tribunal fédéral a précisé que
la Fédération de Russie était toujours partie
contractante à la Convention européenne
d’entraide judiciaire en matière pénale («
CEEJ ») et à son Deuxième Protocole
additionnel, ainsi qu’à la Convention européenne
relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et
à la confiscation des produits du crime (« CBl
»). En l’absence de « violation substantielle
» de la CEEJ à l’égard de la Suisse, il ne
se justifiait pas de suspendre ou de mettre fin à ce
traité sur la base de l’art. 60 par. 2 de la Convention
de Vienne (consid. 2.3). - De surcroît, sur la base de la CEEJ et de la CBI, la
Suisse est tenue d’accorder l’entraide de la manière
la plus large et il est par ailleurs possible qu’une
procédure soit ouverte en Suisse à propos de ces
avoirs. Contrairement à ce que soutient
l’Intimée, les soupçons d’infractions de
blanchiment ne découlaient pas uniquement de la demande
d’entraide russe : la procédure a pour origine une
dénonciation du Bureau de communication en matière de
blanchiment d’argent (MROS) ainsi qu’une procédure
pénale pour blanchiment d’argent ouverte par le
Ministère public du canton de Zurich (consid. 2.4). - Ainsi, le Tribunal fédéral s’est
rallié à l’opinion de l’OFJ, concluant que la
suspension de la procédure d’entraide et le maintien de
la saisie étaient justifiés, dans la mesure où
cette saisie avait été ordonnée à un
moment où l’entraide judiciaire n’était pas
manifestement inadmissible ou inopportune, les conditions de
l’art. 18 al. 1 EIMP étaient réunie. Dès
lors, la saisie doit, durant la suspension, être maintenue
(consid. 2.5). - Par conséquent, malgré le fait que l’entraide
ne peut pas être accordée, les mesures provisoires
n’en sont pas pour autant touchées selon l’art. 28
al. 6 EIMP (consid. 2.5). - Enfin, notre Haute Cour a ajouté qu’afin que la
mesure de saisie demeure proportionnée, l’OFJ devra se
renseigner de manière régulière sur
l’évolution de la situation et en informer la Cour des
plaintes afin que celle-ci puisse décider d’une
éventuelle reprise de la procédure. Si la situation
actuelle devait se prolonger sans perspective
d’évolution, la levée de la saisie devra
être prononcée, sous réserve toutefois d’un
séquestre pénal qui pourrait être
prononcé par les autorités de poursuite suisses. In
casu, le séquestre dure depuis environ deux ans et demi, ce
qui n’est pas disproportionné au regard de la pratique
en matière d’entraide judiciaire ou dans des domaines
voisins (consid. 2.6). - Partant, le recours a donc été admis.
Footnotes
1. Destiné à
publication
2. Destiné à
publication
3. Destiné à
publication
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